Week-end au Guatemala by Miguel Ángel Asturias

Week-end au Guatemala by Miguel Ángel Asturias

Auteur:Miguel Ángel Asturias
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Éditions de L’Izoard
Publié: 2023-05-02T15:44:45+00:00


* * *

1. Le dernier os de la colonne vertébrale…

3

Les petits propriétaires créoles criaient à s’égosiller :

— Les détournements de fonds !… Les détournements de fonds !…

Pourtant la presse étrangère ne s’intéressait pas aux détournements de fonds, mais à cette « pin-up » qui, habillée en cosaque, montée sur un cheval noir se déplaçait aussi vite que le vent…

— Les détournements de fonds !… Les détournements de fonds !…

« La Femme Tarzan », « Le Démon rouge » et bien d’autres surnoms fabuleux étaient attribués à l’héroïne…

… « Après avoir tué son cheval noir et l’avoir jeté du haut d’une falaise dans les vagues en furie de la mer des Caraïbes, la « Femme Tarzan » sauta dans une petite embarcation indigène, une pirogue longue comme une épine dorsale, et disparut dans la nuit, à la surface des eaux argentées, escortée par une armée de requins, entre les arceaux dessinés par les poissons-volants, avec un orchestre de poissons musicaux, et des petits chevaux marins… »

Et l’article continuait en technicolor, quant au style.

Les correspondants étrangers furent convoqués. On ne leur donnerait que très peu d’heures pour quitter le pays s’ils continuaient de créer cette auréole d’héroïsme autour de cette « Femme Tarzan », dont l’action d’arrière-garde avait permis la fuite d’autorités « moscovites ».

Aimablement et dans un mauvais espagnol, un des journalistes demanda ce qu’il y avait comme autre nouvelle sensationnelle, et immédiatement on entendit le chœur :

— Les détournements de fonds !… Les détournements de fonds !…

Les agences d’information et les journaux de l’extérieur se refusèrent à donner un communiqué de plus sur les détournements de fonds. Ni la « Femme Tarzan » ni les détournements de fonds. Les petits propriétaires créoles s’alarmèrent. Il ne pouvait pas en être ainsi. Un pays au sujet duquel il n’y a pas de communiqué de presse n’existe pas, bien qu’il figure sur la carte. On multiplia les postes du budget destinés à la publicité. On créa un ministère de la Propagande. Et rien. Le monde commençait à se désintéresser de cet atome géographique qui l’avait maintenu en éveil.

Un mot sauva la situation. Le Master de la Publicité new-yorkaise, Jerome McFee, le prononça la bouche pleine d’une salive remplie de tabac : il finissait en effet de manger un havane, il le mastiquait et le fumait.

Il le prononça en fermant ses petits yeux de fumée bleuâtre, semblable à celle du tabac qu’il fumait, laissant voir plus de paupière que d’œil, plus de cils que de paupière, avec ses cheveux de laine blanche et frisée, en se tapotant son petit ventre rondelet des doigts de sa main droite et en allongeant ses jambes trop courtes pour toucher le sol comme si c’était la pédale d’un piano.

Il jouait de ce grand piano aux résonances rondes qui s’appelle le monde.

Du seul fait que Jerome McFee appuyât la pointe de son pied un petit peu plus, le temps de tambouriner sur son ventre, la résonance d’une nouvelle était plus grande. Dans des milliers et des milliers de bureaux



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